jeudi 17 septembre 2015

Nouvelles du Nord Mali



Depuis les évènements d’Anefis, les populations du nord vivent, quotidiennement, dans la peur et l’incertitude. Il ne se passe pas un seul jour où des bandits armés bien « organisés » ne s’attaquent à ces populations vulnérables, dont le quotidien se résume désormais à des braquages, enlèvements, assassinats et autres humiliations. A ce calvaire, s’ajoutent malvivre, difficultés d’approvisionnement, hausse des prix des produits de première nécessité… Bref un véritable enfer vécu au vu et au su des forces internationales dont la mission est d’assurer la protection des civils menacés de violences physiques. A vol d’oiseau entre Goundam et Tombouctou, deux témoignages accablants sur le quotidien de ces populations abandonnées à leur triste sort.
« Nous ne comprenons pas ce qui se passe dans notre pays. La situation sécuritaire est de plus en plus précaire. Il y a toujours trop de braquages sur l’axe Goundam-Tombouctou. Des bandits ou du moins des groupes armés très organisés s’en prennent aux personnes qui osent emprunter ce trajet. Désormais, personne ne prend le risque de quitter Tombouctou pour Goundam sans une escorte de l’armée. Ces escortes partent les lundis, jeudis et samedis sur l’axe Tombouctou-Goundam et une fois dans la semaine sur la route Tombouctou-Douentza… », a affirmé Yaya T, ressortissant de Tombouctou, joint au téléphone.
Pour lui, la situation est grave. Et les populations sont dépassées par les évènements. Dans la cité des 333 saints, l’insécurité dans la région commence à avoir des effets négatifs. Les produits de première nécessité sont de plus en plus rares. Ce qui provoque une hausse substantielle des prix. Les voies d’accès à la région sont à la merci des bandits armés. Du coup, les commerçants et les transporteurs ne prennent plus de risques. Ce sont désormais les trafiquants, ceux qui sont prêts à affronter tous les dangers, qui ont voix au chapitre. Avec eux, les prix ne sont pas contrôlables. Ils agissent en fonction de leurs intérêts. Et ce sont les populations qui payent le prix fort. L’insécurité ambiante a découragé tous les grands fournisseurs de la région. Presque toutes les stations d’essence ont suspendu leurs activités à Tombouctou. Qui est désormais approvisionnée en carburants par des entreprises non identifiées. Le litre d’essence est passé de 650 à 1000 FCFA, depuis la reprise des braquages et enlèvements. C’est pareil pour tous les autres produits qui venaient auparavant de certains pays frontaliers comme la Mauritanie et l’Algérie. « Maintenant que tout nous vient de Bamako seulement, les produits sont devenus très chers… », a précisé notre interlocuteur.
La situation à Goundam n’est pas très différente de celle de Tombouctou. Mohamed Traoré, agent de terrain d’une ONG locale à Goundam, témoigne d’une certaine accalmie dans sa ville. « Tout va bien à Goundam. Mais en dehors de Goundam, les risques d’attaques et braquages sont toujours présents. Même les escortes annoncées entre Goundam et Tombouctou, ne sont pas régulières. C’est pourquoi, les gens ont choisi de changer de trajet pour accéder à Tombouctou où sont faits les salaires et autres activités bancaires. Beaucoup de personnes quittent Goundam pour Diré où elles empruntent la voie navigable (Diré-Tombouctou)… », explique l’agent de terrain. Qui n’a pas manqué d’attirer notre attention sur la rareté de l’argent à Goundam. « Personne n’ose plus prendre de l’argent avec lui sur l’axe Tombouctou-Goundam. Il y a seulement quelques jours, les bandits ont pris 10 millions de FCFA avec un commerçant d’ici (Goundam, ndlr). Désormais, c’est le transfert d’argent avec les opérateurs nationaux qui sauvent un peu les gens. Là aussi, c’est cher. C’est pourquoi les montants transférés, ne sont pas élevés. Et la rareté de l’argent répercute sur la vie des populations, qui n’ont pas assez d’options pour joindre les deux bouts et faire face à leurs besoins élémentaires… », note M. Traoré.

Nouvelles bases rebelles
A Goundam aussi, les prix du carburant et du riz ont grimpé. Le kilogramme de riz est passé de 275 à 350 FCFA. Pendant ce temps, le litre d’essence coûte entre 900 et 1000 FCFA contre 600 et 650 FCFA avant les récents évènements.
Notre interlocuteur a surtout précisé que l’accalmie dont il est question n’est valable que pour la ville et non le cercle de Goundam, qui subit les contrecoups de la crise d’Anefis. Il confirme l’installation de nouvelles bases par les rebelles dans certaines localités, notamment à Koïgoumo (à moins de 20 km de Goundam), à Raselma (à 50 km environ), à Farach, dans la commune d’Essakane (très proche de Bintagoungou (à 45 km de Goundam). Les incessants braquages dans cette partie du Mali sont attribués à ces bases de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et particulièrement celle de Ber. Qui bénéficierait de la protection de la Minusma et des forces françaises. C’est du moins la conviction de nos interlocuteurs et de nombreux maliens. Les populations du nord s’interrogent sur la nécessité de la présence des forces étrangères sur le territoire malien dans la mesure où elles ne parviennent même pas à se protéger, encore moins sécuriser les civils, comme le dit stipule expressément la résolution 2227 dans son point 14 relatif à la protection des civils. La Minusma doit, entre autres, « assurer, sans préjudice de la responsabilité première des autorités maliennes, la protection des civils immédiatement menacés de violences physiques ;
Fournir un appui aux autorités maliennes pour stabiliser les principales agglomérations et les autres zones où les civils sont en danger, notamment dans le nord du pays, en effectuant des patrouilles de longue portée, entre autres choses, et, dans ce contexte, écarter les menaces et prendre activement des mesures pour empêcher le retour d’éléments armés dans ces zones ;
Assurer une protection particulière aux femmes et aux enfants touchés par le conflit armé, notamment en déployant des conseillers pour la protection des enfants et des conseillers pour la protection des femmes, et répondre aux besoins des victimes de violences sexuelles et sexistes liées au conflit… ».

Le gouvernement « ligoté »
Mais sur le terrain, le constat est accablant. L’armée malienne, même agressée, ne peut se défendre contre les rebelles de Kidal. Si ce n’est pas la France qui s’oppose à une avancée des troupes maliennes sur le territoire national, ce sont les casques bleus de la Minusma qui s’interposent. Après l’attaque du check point à la rentrée de Tombouctou, les forces de sécurité du Mali ont été dissuadées par les forces françaises et de l’ONU, de toute poursuite contre les assaillants. N’est-ce pas là une violation flagrante de la résolution des Nations Unies : « assurer, sans préjudice de la responsabilité première des autorités maliennes, la protection des civils… ». Non seulement les civils de Tombouctou, Gao et Kidal ne sont pas sécurisés (en témoignage les braquages réguliers dans des localités où les casques bleus sont présents). Mais le pire, c’est que la Minusma et les forces françaises font de la protection de leurs bourreaux, la raison de leur présence au Mali.
Quant au gouvernement du Mali, il s’est fait « ligoter » en acceptant un accord de paix fait sur mesure et contre les intérêts maliens. Au finish, défendre ne serait-ce que son honneur, est devenu la croix et la bannière. Les récentes déclarations du chef de l’Etat, lors de sa visite au Niger, contre les combattants de Gatia, prouvent l’incapacité des autorités maliennes à assumer leur responsabilité première, notamment la sécurité des Maliens et leurs biens. Et au rythme où vont les choses, on s’interroge : A quand la fin du calvaire des populations du nord ?
Idrissa Maïga
Source: L'Aube

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